Renaud et Armide
Toile
168,2 x 208,6 cm
Jean-Claude Boyer, que nous remercions pour son aide, suggère une attribution possible à Pierre Lemaire (Montdidier, 1610 ou 1612-Rome, 1688). Le tableau pourrait appartenir à la série de seize grandes toiles commandées en 1639 à plusieurs artistes établis à Rome par l’ambassadeur François-Annibal d’Estrées (étude à paraître) pour la galerie de l’hôtel de la Ferté-Senneterre à Paris.
À ce cycle appartenait « Godefroy de Bouillon soigné par l’ange » de Pierre Mignard, « Renaud quittant Armide » de Charles Errard, la Rencontre de Renaud et d’Armide dans la forêt enchantée de Giacinto Gimigniani, tous trois conservés au musée du pays de Hanau à Bouxwiller, et « Tancrède et Herminie » de Errard (collection particulière).(1)
On connaît une version de cette composition, plus petite (81 x 99 cm, vente Sotheby’s à Londres, le 23 avril 1998, n°193 comme attribuée à Michel Corneille II). Ce thème est tiré de « La Jérusalem délivrée » de Torquato Tasso, dit Le Tasse (20, 127), poème épique inspiré par la première Croisade. Armide, fille du roi de Damas et magicienne, envoûte les croisés et les détourne du combat. Quand Renaud vient à elle, elle s’en éprend et le maintient sur son île jusqu’à ce que ses compagnons viennent le chercher. Renaud repart alors sur le champ de bataille après avoir reçu l’épée de Suénon, fils du roi du Danemark tué par les Sarrasins et le bouclier gravé des exploits de ses ancêtres résumés ici par l’aigle blanc de Ferrare.Trahie, Armide rejoint les troupes du calife déterminée à tuer Renaud : « O monarque
tout-puissant, dit-elle, je viens aussi combattre pour ma foi et pour ma patrie. Je suis femme, mais du sang des rois, et il n’est pas indigne d’une reine de prendre part aux combats ; il faut, pour gouverner, avoir tous les talents nécessaires au rang suprême, et la main qui tient le sceptre doit aussi savoir se servir du fer... »
C’est au dernier livre de « La Jérusalem délivrée » qu’a lieu l’affrontement des deux héros : Déjà la flèche d’Armide repose sur son arc ; un courroux cruel conduit sa main. Mais l’Amour l’arrête et suspend le coup fatal. L’Amour lutte contre la colère et décèle la violence des feux qu’elle cherche à cacher... Enfin la haine l’emporte... Le trait s’échappe… Il vole, et le repentir vole avec lui. Elle voudrait qu’il revint en arrière, dût-il frapper son propre coeur... Ainsi, tantôt elle
craint, et tantôt elle brûle de frapper son infidèle amant !... Elle s’est réfugiée dans un lieu sombre et solitaire favorable aux sinistres desseins qu’elle médite contre sa propre vie... Elle descend de son coursier, jette son armure, son arc et son carquois... Ah ! parmi tant de flèches, n’en est-il pas une seule qui puisse se baigner dans son sang ! Si le coeur du perfide émousse vos pointes, osez percer le sein d’une femme... Elle se tait; déterminée à mourir, elle choisit le trait le
plus fort et le plus acéré. Déjà elle l’approche de son sein... Déjà la pâleur de la mort se répand sur ses traits... Soudain Renaud accourt ! A la vue de son désespoir, il s’élance, la saisit et arrête le bras prêt à enfoncer le fer mortel. Armide le voit, pousse un cri... « Qui t’amène, Ô toi dont la fuite et le retour me prouvent une égale barbarie !... » Tu causes mon trépas, et tu veux m’empêcher d’en finir avec la vie !... Tu viens me sauver !... A quels affronts, à quels tourments Armide est-elle donc destinée ?... Voyant les larmes de Renaud la colère d’Armide tombe et, voyant la victoire des chrétiens, elle lui confie son sort : Voilà ton esclave... dispose d’elle à ton gré. » (1) Sur cette commande voir entre autre, Emmanuel Coquery, Charles Errard, la Noblesse du décor, Paris,-Arthena, 2013, pp. 50-53, et pp. 251-25
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